Il ne me répond pas. Je sais que je suis toujours trop impatient, trop impulsif. À mes dépends. C'est uniquement parce que cet instant ne concerne que les nous du présent. Maintenant. Qu'il mette du temps à répondre me donne simplement l'impression qu'il essaye de gagner du temps. Avant quoi ?
Pour quoi ? Je ne peux pas le savoir, même si ce n'est pas l'envie qui me fait défaut.
Ses doigts fins se resserrent un peu contre les miens… selon moi, il se crispe. Après, je suis peut-être un peu trop paranoïaque, ou quelque chose qui s'en approche. Oui, définitivement. Mais il ne m'aide pas beaucoup non plus. Ma crainte se confirme lorsqu'il se retourne vers moi. Ses magnifiques yeux sont tâchés de… dégoût ? J'espère que je me trompe. Et puis, à quoi bon chercher à décrypter ses émotions, puisque, avec ou sans que je comprenne, le résultat sera le même. Le voilà, le résultat :
« Désolé… Je… »
Les mots ne sortent pas, mais je connais la suite. J'attends quand même, puisque je n'ai rien d'autre à faire. Il me regarde, je continue de le fixer, fixer ses magnifiques orbes bleues une dernière fois. Autant en profiter encore un peu. Ça y est. Il lâche ma main et se lève en direction de la porte, sans se retourner, sans autre explication. Le programme de la soirée vient de changer : bouder, être déçu. Que dire de plus ? C'était trop beau pour être vrai, ça ne pouvait pas durer bien longtemps. J'aimerais le rattraper, mais… non. S'il part, ce n'est sûrement pas pour que je continue de le coller…
Et puis, de toute façon, la porte est fermée à clé.
Je me retiens de sourire à l'idée que, de toute façon, il sera bien obligé de retourner sur ses pas. Sauf s'il défonce ma porte ou la cisaille au zanpactô. Là, ce serait dommage pour moi. Je continue de le fixer. Je suppose que j'ai une expression neutre. Enfin, une fausse, parce qu'intérieurement, c'est un mélange de jubilation et de déception. Oui, ces deux sentiments contraires peuvent s'accorder dans ce genre de moment.
Je mets un petit moment à voir qu'il s'est arrêté. Est-ce qu'il a deviné ? Oui, il m'a sûrement vu fermer la porte et ranger les clés dans ma poche. Dommage. Tant pis. J'aimerais voir son visage, mais il me tourne encore le dos. Peut-être qu'il attend que je lui ouvre avant qu'il ne le demande. Se rabaisser à demander un service à un misérable – hem – Quincy comme moi serait sûrement dégradant pour sa majesté. Étrangement, cette vision ne m'inspire ni mépris, ni dégoût, loin de là. Je visualise, c'est tout. Il me vient à l'esprit qu'il serait dommage que son travail de shinigami ne lui laisse un jour des cicatrices, puis j'oublie.
J'allais me lever, moi et mon attitude faussement neutre. Je l'aurais fait s'il ne s'était pas retourné, mais là, je ne peux pas. Pas devant ce visage de… moe. Je ne suis pas particulièrement fan de moe, mais… tout est relatif, dirons-nous. Je fonds – je déteste toujours autant cette expression.
Il s'approche et je ne bouge pas, bien que ce ne soit pas l'envie de le serrer dans mes bras maintenant ne me manque. Je n'appréhende pas tellement ce qu'il va faire, ce qu'il va dire, le peu de neurones qu'il me reste étant trop occupés à apprécier la vue. À être complètement largué, aussi, mais j'ai l'habitude, c'est parfois agréable. On apprend à ne plus penser, à la fin. Ou on devient fou. Ou les deux.
Yuki, juste devant, tend sa main vers moi. Pendant une petite fraction de seconde, je repense à la baffe, mais c'est trop lent. Un frisson – réflexe, réflexe. – me parcourt le dos lorsque ses doigts viennent se poster sur mon col et jouer avec. Il est loin d'être à l'aise. Je me demande un instant de quoi j'ai l'air, moi. Neutre, bête ou surpris, quelque chose comme ça peut-être.
« Je dormirais avec toi, dans ce cas ? »
Si j'étais en train de me balancer sur une chaise bancale, je serais tombé, mais heureusement pour moi, je suis encore confortablement installé sur mon canapé adoré. Pareil pour le cliché du « Je suis tellement étonné que je fais tomber ce que j'ai dans mes mains ». Je le fixe. Je crois que je comprends, mais pas complètement. Ça va venir, ça va venir.
Je suppose que je suis sensé dire quelque chose, là, mais c'est vraiment trop demandé. Je passe donc le relais à mon inconscient – alias instinct foireux –, à mes risques et périls.
Un grand sourire – idiot, pervers, attendri ? Les trois en même temps, peut-être ? je verrais mieux si j'étais à la place de Yuki – vient remplacer mon expression de « kékispass ? ». De la satisfaction, aussi. Je suis heureux qu'il envisage peut-être de rester – sauf si très mauvaise blague, optimisme, optimisme –. Et c'est un euphémisme.
Je me relève du canapé avec un mélange de lenteur et de précipitation millimétré – ou « comment garder un semblant de classe dans les pires moments – et capture délicatement sa fine main au passage, celle qui jouait avec mon col, pendant que nos doigts s'entremêlent une nouvelle fois, naturellement. Sa main est chaude, blanche, douce, sans la moindre imperfection. J'oserais à peine y poser mes lèvres de peur de le salir. Une cicatrice sur sa peau parfaite serait la dernière chose que je lui souhaiterait.
Je me retrouve donc face à lui. Proche, très proche. Je réponds au hasard :
« Si tu insistes… »
Mais c'est largement évident, ça se voit comme… comme une tâche rouge sur une nappe blanche. Je suis
très loin d'être contre sa question/condition. Mon conscient revient au petit trot – l'éternel flemmard – et je me rends compte, seulement à ce moment, que je le sers contre moi, le bras doucement passé autours de sa taille. Déjà vu ? Non, non, pas du tout. Autre détail sans
aucune importance : mes lèvres frôlent les siennes. Frôler, « seulement ». Mon instinct adoré a bien fait de ne pas aller plus loin. Je suppose qu'il attendait une permission, ou quelque chose qui s'en rapprocherait… qui ne dit mot consent, n'est-ce pas ? Mon dieu. Qu'est-ce que je dis. Qu'est-ce que je fais, aussi. Non, ne pas penser, ne pas penser. Pourquoi penser ? Double non, je dois arrêter avec cette excuse. Mais… j'ai que celle là…
M~*rde. Je crois que je nage dans l'euphorie, à côté de la chance sur son jet ski cheaté sous une pluie de trèfles à quatre feuilles. Ou quelque chose qui s'en approche grandement. Pourquoi « M~*rde » ? Parce que j'ai pas l'habitude. Version métaphore beauf, ça ferait : « parce que je sais pas nager ». Et parce que ça ne dure jamais, évidement, on finit par se noyer de fatigue ou d'autre chose. Mon optimisme ne disparaîtra-t-il donc jamais ?
Fiche codée par Kaoru, de Bazzart.
Titipeu modifiée quand même >w<"