[solo] Tu vas me manquer

Je m'assis à même le sol, à l'endroit où on s'était tenus tous les deux. Une main posée à plat sur la terre, les yeux fixés sur les arbres lugubres, je me rappelai avec précision tout ce qui s'était passé ici. Trop de précision, peut-être. Cette forêt avait été le théâtre du début d'une histoire... une histoire vouée à l'échec ?

Je croyais naïvement être importante, sans doute pas la plus importante mais importante tout de même. Pourtant il ne m'a rien confié. Sauf un ordre froid qu'il m'a été difficile d'exécuter. J'avais énormément de respect pour lui, autant en tant que Roi qu'en tant que... que petit ami... bien que cette appellation soit... un peu présomptueuse peut-être. Je n'ai toujours pas compris pourquoi il m'a demandé de tuer ces shinigamis. Enfin, ce n'est pas comme s'il m'avait demandé spécialement de m'en occuper. J'aurais très bien pu refuser la mission dès le départ.

Mais j'étais bien trop fidèle à lui pour désobéir. Pas assez fidèle cependant pour rester jusqu'à la fin. Dire que je n'étais pas là pour le voir partir. Dire que je me suis lâchement enfuie. De là où j'étais, terrée dans un recoin du Rukongai, je l'avais senti, cet espèce de déchirement suivi d'une sensation de vide atroce, puis d'une tristesse sans nom. Je froissai légèrement la feuille que je tenais à la main, relisant une énième fois les mots que j'avais jeté sur le papier.

Je vais un peu mieux maintenant, la tristesse s'est atténuée. J'ai compris que c'était fini. Fini. Quand on meurt on ne revient pas... Mais reste le vide à l'intérieur de moi, comme une partie manquante de mon anatomie qu'aucun scientifique, si doué soit-il, ne pourra combler. Je souffre d'un mal que seul le temps peut guérir. Parfois, des pensées futiles m'effleurent : est-ce que s'il ne m'a rien dit, c'était parce qu'il ne me trouvait pas assez attirante ? Parce qu'il ne m'aimait plus ? C'est vrai que coincée dans ce corps qui n'est ni celui d'une enfant ni celui d'une femme, je n'ai pas vraiment d'atouts. J'ai encore longtemps à vivre parce que je ne suis pas assez courageuse pour me résoudre à mourir. Et de toute manière, qu'est-ce qui me prouve qu'une fois morte je le rejoindrais ? Qu'est-ce qui prouve que la douleur s'effacera ? Malgré les gestes quotidiens que je répète chaque jour, les entraînements, les nouvelles rencontres, j'ai besoin de toi, Angel. Il n'y a que toi qui peut remplir mon coeur, même si ces mots sont pathétiques et clichés c'est la triste et simple réalité : je t'ai aimé, je t'aime et je ne cesserai jamais de t'aimer...

Je levai la tête comme on l'avait tous deux fait ce jour-là. Vers la cime des arbres noirs, vers toi, qui sait ? Je me relevai avec un soupir. Il était temps de rentrer. Si je conservais mes habitudes tout me semblait un peu plus clair. Si j'étais venue à m'allonger sans rien faire, à penser encore et encore à toi, j'aurais sans doute été perdue... Une dernière fois je me retournai, contemplant l'endroit, le sol où tu avais marché. Je comptais pas revenir ici avant longtemps. Le temps que mes blessures se referment et que mon coeur guérisse. C'est fini, Angel.

Tu vas me manquer.